La meilleure tasse de café qui soit

Chez Café Apothéose, nous avons dédié nos vies à la poursuite du meilleur café qui soit. Nous le traquons d’un continent à l’autre, dans les montagnes et dans les vallées, dans des contrées paisibles aussi bien que dans des régions ravagées par la guerre.

La légende veut qu’Adam, au sortir d’Éden, ait emporté dans son exil une bouture de l’unique plant de caféier du jardin divin – cachée parmi les quelques feuilles de vigne qui lui tenaient lieu de vêtement, tenue au chaud contre ses parties viriles (au-dessous de ce nombril qu’il n’avait pas, premier humain qu’il était, sans mère sinon la terre). Arrivé à sa nouvelle demeure, il la planta. Jour après jour, Ève l’abreuva de ses larmes – des larmes tombant de ces yeux qui avaient séduit Adam, ces yeux qui avaient connu aussi bien les splendeurs d’Éden que les viles ondulations du Serpent. La bouture prit racine, crût, étira de tendres feuilles. Elle porta fruit, mais l’odeur de ces fruits parvint à l’incommensurable Nez du Créateur qui, courroucé, intervint pour priver Adam et Ève de ce dernier lien avec Éden. Il n’allait pas détruire cette création parmi ses plus sublimes: il fit plutôt en sorte que celle-ci se rétracte dans les entrailles de la terre pour ne ressurgir qu’au printemps suivant dans un tout autre lieu.

Ainsi en est-il depuis ce temps: le buisson unique arbore ses fruits chaque année dans un territoire différent. Chaque année, nous déployons des efforts prodigieux pour le repérer. Sitôt que nous le trouvons, nous l’abreuvons des larmes que nous versons en mémoire de nos camarades perdus en route, martyrs de notre quête annuelle. Lorsque les fruits sont mûrs, nous les cueillons à la main et les laissons sécher au soleil quarante jours et quarante nuits, éloignant durant ce temps tout insecte, toute pluie et toute mauvaise pensée. À la main toujours, nous débarrassons chaque grain de sa pulpe. Notre maître-torréfacteur, muni de pincettes d’argent, saisit chaque grain et le tourne délicatement au-dessus d’un feu nourri de branches de santal. Il amène le grain à sa parfaite coloration, puis laisse mourir le feu, jette les cendres dans l’océan, et bâtit un nouveau feu pour le prochain grain. Ainsi donnons-nous à chaque grain la chance d’exprimer la personnalité qui lui est propre. Enfin, nous les plaçons tous dans cet unique et joli sac que vous tenez entre vos mains (composé à 70% de fibres recyclées post-consommation). Et chaque jour nous vous envions, vous qui pourrez commencer votre journée en vous délectant de ce nectar divin. Nous vous envions.