Extrait d’une lettre de Sir Tarquin James Wolcott, envoyée lors de son expédition marchande du printemps 1916:
« […] ce que j’ai compris. Le dromadaire, laissé à lui-même, ne crache pas et mord encore moins. C’est en fait un animal très doux et docile de nature. Le légendaire mauvais caractère de cette bête est d’ordre institutionnel. Même le plus petit village ou la plus petite troupe de bédouins a son dompteur de dromadaires. Il est courant de pousser le quatrième fils de chaque famille vers cette vocation essentielle. Un bon dompteur de dromadaires est brusque, rustre et misanthrope à l’extrême. Il a fait du mépris son art, et c’est ce mépris qu’il inculque à ses élèves par tous les moyens possibles. Ainsi, chaque dromadaire, affable et serein à l’origine, devient aigri à souhait sous la tutelle du dompteur. Il apprend à ballotter ses passagers, à découvrir les dents avec dédain, et à donner des coups de sabots dans toutes directions.
Ces animaux accomplis assurent un accueil hostile aux explorateurs étrangers qui, détestés par leur monture dès leur arrivée, commencent leur séjour en état d’infériorité face aux fiers habitants qui les reçoivent. Lesdits habitants se montrent hospitaliers, mais ce n’est qu’un stratagème pour déconcerter les étrangers.
Bien sûr, un dompteur de dromadaires n’est au départ qu’un enfant, ni particulièrement sévère, ni très misanthrope. Pour qu’il devienne suffisamment brusque, rustre et méprisant pour accomplir son métier, il faut d’abord qu’on lui inculque cette attitude […]«